Les relations économiques informelles entre le Niger et le Nigéria sont séculaires. Elles datent des milliers des siècles. Les grands marchés de Yaouri, Kano, kataga, Sokoto, Ibadan, etc , étaient des véritables centres de transactions commerciales subsahariennes pendant la période précoloniale . Aucun régime politique ne pourrait remettre en cause cette tradition d’échanges économiques millénaire, entre les peuples subsahariens.
Les dirigeants politiques africains ont plus intérêt à raffermir et consolider ces liens de fraternité, de bon voisinage, d’échanges commerciaux et de solidarité légendaire africaine, établis de longue date, comme le stipule les statuts et règlements de la CEDEAO . C’est un grand acquis à sauvegarder.
Le Niger et le Nigéria ont en commun, des traditions et coutumes, ils partagent les mêmes religions , des langues nationales, haussa, peul, kanuri, tamachek, arabe, Djerma, etc.
Le Niger et le Nigéria sont comme des jumeaux, tout malheur qui touche l’un concerne l’autre .
Le Niger et le Nigéria ont grand intérêt à maintenir et bien entretenir leurs relations commerciales et économiques .
Les relations commerciales bien qu’informelles , entre le Niger et le Nigéria contribuent à 60% au Produit intérieur brut, (le PIB) nigérien, ce que les économistes libéraux appellent contribution du secteur informel à l’économie.
Pour rendre le secteur informel , plus efficace dans l’économie, plus pourvoyeur des recettes fiscales, il faudrait une approche pédagogique graduelle qui tiendrait compte des réalités socio-économiques et culturelles africaines.
Des campagnes de sensibilisations , de persuasion sont plus que nécessaires . C’est un secteur très prépondérant dans l’économie africaine. Les économistes libéraux ne connaissent pas très bien l’utilité du secteur informel dans les systèmes économiques africains, c’est pourquoi ils le combattent sans discernement.
La suppression des subventions ne peut être la solution idoine aux goulots d’étranglements.
La suppression de la subvention aux hydrocarbures décidée par le nouveau président élu du Nigeria a été mal justifiée. Le fait de dire que cette subvention est plus bénéfique aux pays voisins , à savoir, le Niger, le Cameroun, le Tchad, le Bénin, etc, qu’au Nigéria est non fondé.
Les autorités politiques nigérianes oublient que les cinquante-quatre pays africains ont opté pour la création d’une zone de libre échange continentale africaine, ( la ZLECAF).
La CEDEAO prône, la libre circulation des personnes, des services et des biens, pour atteindre l’intégration économique des
États.
En réalité ,les conseillers économiques qui ont préconisé cette mesure au Nigéria, se sont trompés de cibles et sont dans l’erreur pour ne pas dire en service commandé au profit des intérêts des pays du Nord, qui voient mal un Nigéria devenu géant économique, locomotive de l’Afrique de l’Ouest et surtout souverainiste ..
La suppression de la subvention aux produits pétroliers nuit plus aux entreprises industrielles nigérianes qu’aux pays voisins . En effet, c’est grâce à ladite subvention que les produits des entreprises industrielles nigérianes sont plus compétitifs que les produits des pays de la sous-région ouest-africaine, mais avec la suppression de cette subvention, les entreprises industrielles nigérianes auront sans doute des difficultés à vendre leurs produits dans le marché de la zone de libre échange continentale africaine, la ZLECAF, où des pays industriels comme , l’Égypte, l’Algérie, la Tunisie, le Maroc, l’Afrique du Sud, le Ghana, etc, pourraient offrir aux consommateurs africains des produits plus compétitifs que ceux du Nigéria, sans compter les mouvements de protestations et des émeutes qui suivront , à cause de la vie chère.
La suppression de la subvention aux produits pétroliers est un couteau à double tranchant. Les inconvénients sont plus importants que les avantages pour le Nigéria.
Les pays voisins comme le Niger seront sans doute touchés par la montée vertigineuse de l’inflation.
Mais le Niger pourrait surmonter ces difficultés grâce aux produits plus compétitifs que ceux du Nigéria, dans le cadre du grand marché de la ZLECAF qui regroupe cinquante-quatre pays africains.
La subvention aux produits de premières nécessités est un bon levier de développement économique et social, elle régule la tension sociale dans un pays , participe à la création de la richesse, c’est pourquoi les pays du sud, les pays développés l’accordent à leurs industries , agricoles, d’élevage , de la production de l’eau et de l’électricité.
Les pays africains qui accepteraient d’abandonner les subventions dans certains secteurs vitaux apprendront à leurs dépens.
Au Niger, il avait été conseillé au gouvernement dans les années 1996 de mettre les meilleurs anciens fonctionnaires à la retraite anticipée pour de raison d’équilibre macro-économique financier, moralité, le pays s’était fait vider de ses meilleurs cadres, les conséquences, il est toujours parmi les derniers, il éprouve des difficultés à rattraper ceux qui ont refusé de suivre lesdits conseils ,malgré d’énormes moyens consentis.
Par conséquent, il y a lieu d’être très prudent par rapport à certains conseils des experts des institutions de Bretton-woods. Ils n’ont aucune connaissance des réalités socio-économiques et culturelles des pays africains.
Les pays africains doivent avoir confiance à leurs économistes du terroir plus proches de la réalité sociopolitique et économique des pays .
Au Niger, le secteur de l’éducation a été le plus impacté négativement par les recommandations du Fonds Monétaire international et de la Banque Mondiale, depuis 1996 à nos jours les séquelles persistent .
Un homme averti en vaut deux !
Cependant , l’ agriculture et l’élevage des pays européens sont bel et bien subventionnés. Ils bénéficient même des crédits d’investissement aux taux d’intérêt très préférentiels. Pourquoi empêcheraient-ils à l’Afrique de subventionner ses produits de premières nécessités pour soulager les difficultés de ses citoyens lambdas ?
Certainement, entre autres, pour frayer un boulevard sur l’Afrique, aux produits européens. Malgré quelques issues favorables , le Niger a grand intérêt à soigner ses relations économiques, géopolitiques et géostratégiques avec le Nigéria et formaliser ses relations économiques avec les pays voisins .
Quand un pays entretient de bonnes relations avec ses voisins, aucune puissance mondiale ne peut le déstabiliser. La guerre de secession biafraise soutenue par la France et certains pays africains loin du Nigéria , prouve, s’il en est besoin, cette réalité, car le Niger dirigé par le président Diori Hamani très proche du Nigéria avait choisi dignement de soutenir le pays frère et voisin . Toutes les générations des nigérians qui suivront tiendront toujours compte dans les rapports avec le Niger .
C’est un grand atout à ne pas perdre.
Sur le plan économique, il a été constaté lors de la fermeture des frontières du Nigéria avec ses voisins, les peuples du Niger et ceux du Nigéria s’étaient frayés une passerelle, une ouverture informelle pour continuer leurs échanges commerciaux traditionnels, séculaires, à l’insu des surveillants des dites frontières.
C’est pour dire, rien ne peut étouffer la foi et la volonté des peuples.
Les dirigeants politiques doivent aller à la rencontre de la volonté des peuples.
Dans l’esprit des peuples, ces frontières sont artificielles et personne ne peut empêcher ces brassages multiculturels et ethniques de continuer son bon bout de chemin .
La problématique qui se pose est comment le Niger peut-il soigner ses relations diplomatiques et économiques avec le Nigéria tout en gardant ses bons rapports avec certaines puissances ex-colonisatrices ?
Dans les déclarations de la politique extérieure , les prises de position dans les forums internationaux, le Niger doit faire toujours attention à la géostrategie et la géopolitique internationales.
Le Niger se devrait d’éviter de frustrer , d’agacer, les pays africains voisins, ce qui pourrait lui éviter d’être soupçonné à tort ou à raison de faire le jeu de certaines puissances mondiales ex-colonisatrices en vue de la déstabilisation des pays voisins.
Le Niger ne devrait pas oublier que la France est soupçonnée d’avoir des velléités pour la déstabilisation des pays du SAHEL en général, et du Nigéria en particulier, pour des intérêts géostratégiques et géopolitiques internationales.
La République fédérale du Nigéria et beaucoup des pays africains sont sur leurs gardes .
Malgré la reprise des bonnes relations diplomatiques entre le Nigéria et la France , les séquelles de la guerre de Biafra ne sont pas encore totalement cicatrisées.
Dans cette atmosphère de relations internationales jalonnée de turbulences, d’incertitudes, de revirements spectaculaires, de basculements sans cesse , le Niger se devrait de bien soigner ses relations avec ses voisins et d’être toujours prudent dans les prises des paroles.
Dans les années 1965 , la République du Niger avait joué un rôle important dans l’échec de la secession biafraise soutenue par la France. Le Nigéria se considère jusqu’ici redevable au Niger pour cet engagement courageux, fraternel à sauver l’unité du Nigéria.
Les accords de coopération entre la société de distribution de l’énergie électrique du Nigéria et la société nigérienne la NIGELEC, le projet de la construction du chemin de fer Kano Maradi , financé par le Nigéria, entre autres , prouvent cette nécessité et l’importance de bien soigner davantage les rapports du Niger avec le Nigéria.
Les relations commerciales entre le Niger et le Nigéria se devraient d’être formalisées en vue de rassurer le Nigéria et protéger les entreprises industrielles nigériennes des concurrences déloyales.
Les déclarations va-t-en guerre contre les pays voisins se devraient d’être évitées, pour ne pas se retrouver isolé des pays de la sous-région ouest-africaine.
Les grandes puissances mondiales ex -colonisatrices n’ont pas d’amis mais des intérêts à défendre.
Le Général De Gaulle nous avait déjà averti !
“L ‘ Afrique doit s’unir ou périr ”
Par Issoufou BOUBACAR KADO MAGAGI.