Moins de 24 heures après la levée de son immunité parlementaire par le Sénat, l’ex-président congolais Joseph Kabila est sorti de son silence pour dénoncer une « campagne odieuse ». Il rejette les accusations portées contre lui, alerte sur une dérive politique majeure et appelle à une prise de conscience nationale.
L’ex-chef de l’État congolais Joseph Kabila a dénoncé ce vendredi une « campagne odieuse » visant à l’écarter de la scène politique nationale, 24 heures après que le Sénat a voté massivement la levée de son immunité parlementaire. Dans une déclaration solennelle, il accuse le pouvoir en place de falsifier l’histoire et d’orchestrer une dérive autoritaire.
« Il y a six ans, je passais pacifiquement le relais à un nouveau chef d’État, fait inédit en près de 60 ans d’indépendance. Depuis, je m’étais imposé un devoir de réserve. Aujourd’hui, l’enjeu est existentiel pour la nation », a-t-il déclaré.
Joseph Kabila estime que « le pays est gravement malade » et que « son pronostic vital est engagé », tout en dénonçant une instrumentalisation de la justice à des fins politiques. Il met en cause ceux qui, selon lui, « calomnient, diffament, diabolisent et divisent pour gagner et régner », et déplorent que cette stratégie perdure « dans l’opposition hier comme au pouvoir aujourd’hui ».
L’ancien président affirme que la récente vague de décisions à son encontre repose sur une simple rumeur autour de sa présence à Goma, qu’il compte visiter prochainement. « Suite à une simple rumeur de la rue ou des réseaux sociaux sur ma prétendue présence à Goma […] on a pris des décisions arbitraires, avec une légèreté déconcertante qui témoigne du recul spectaculaire de la démocratie », a-t-il accusé.
Le 22 mai, le Sénat de la RDC a approuvé à une majorité écrasante (88 voix pour, 5 contre, 3 bulletins nuls) la levée de l’immunité de Joseph Kabila, sénateur à vie depuis 2019. La demande émanait de l’Auditeur général près la Haute cour militaire, dans le cadre de poursuites pour « participation directe à l’agression menée par le Rwanda à travers le mouvement armé AFC/M23 ».
À la suite de cette décision, plusieurs mesures ont été prises contre l’ancien président, notamment la saisie de certains de ses biens et des restrictions de déplacement visant ses proches.
Pour Joseph Kabila, ces actes s’inscrivent dans une stratégie de diversion politique : « Agir autrement aurait fait le jeu de ceux qui, par cette campagne, veulent masquer leur incapacité à répondre aux attentes du peuple. »
Il conteste également la version officielle sur l’accord de coalition conclu en 2019 avec l’actuel président Félix Tshisekedi. « Beaucoup de contrevérités ont été dites, y compris par l’un des signataires de cet accord », a-t-il rappelé.
Joseph Kabila se présente comme un patriote attaché à l’unité et à la souveraineté du pays. « Mieux que quiconque, vous savez que pour moi, le Congo est la priorité absolue, que sa souveraineté et son intégrité territoriale ne sont pas négociables », a-t-il déclaré. « Militaire, j’ai juré de défendre la patrie jusqu’au sacrifice suprême. Hier au pouvoir, aujourd’hui en dehors du pouvoir, je demeure plus que jamais fidèle à ce serment. »
Alors que plusieurs figures de son parti, le PPRD, sont visées par des sanctions ou des enquêtes, Kabila appelle à l’unité nationale et à la recherche de la paix. « En ce moment où le pays est de nouveau divisé, appelé par le destin, j’ai le devoir d’œuvrer à la recherche de la paix et de contribuer à la reconstruction de notre pays qui se meurt », a-t-il conclu.
Cette prise de parole intervient dans un climat tendu, où l’ancien président, longtemps resté discret, entend désormais peser dans un débat politique de plus en plus polarisé.