La date du 28 janvier restera à jamais gravée dans les annales de l’histoire des pays membres de l’Alliance des Etats du Sahel. En effet, c’est cette date que les trois pays ont choisie pour rendre public simultanément à Niamey, Ouagadougou et Bamako un communiqué sur leur retrait définitif et sans délai de la CEDEAO. Le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger ont décidé d’impulser une nouvelle dynamique de coopération stratégique en coupant les ponts d’avec la CEDEAO. Une démarche parfaitement logique qui cadre avec la vision d’une AES souveraine à tout point de vue. Mais pour que cette souveraineté puisse s’affirmer véritablement, l’alliance se doit, conformément aux vœux des peuples des trois pays maintes fois exprimés, de migrer vers la création de sa propre monnaie.
Les couleurs ont d’ailleurs déjà été annoncées lorsque les experts des pays membres de l’AES se sont réunis du 23 au 24 novembre dernier dans la capitale malienne en optant pour une synergie d’actions entre les pays membres sur l’accélération du processus d’intégration économique et financière au sein de l’Alliance. De manière spécifique, les experts ont entre autres, procédé à une évaluation des forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces qui se présentent à l’AES.
Ils ont également évalué les potentialités économiques des pays (ressources humaines, minières, etc.) ; le poids de l’AES dans l’UEMOA et la CEDEAO. Les experts ont par ailleurs identifié les contraintes et difficultés économiques majeures auxquelles sont confrontées les pays de l’Alliance des États du Sahel. Ils ont ensuite analysé les problèmes de financement des économies des pays de l’AES et ont identifié les solutions spécifiques et endogènes, les solutions aux entraves à la libre circulation et à la sécurisation des personnes et des biens.
Selon l’économiste nigérien Issoufou Boubacar Magagi Kado, l’Alliance des États du Sahel a déjà prévu de créer sa propre monnaie, de créer sa banque centrale, de créer sa banque d’investissement et de développement. «Elle a prévu de créer sa zone monétaire, de créer une zone de libre-échange. Toutes ces institutions seront bientôt mises en place et c’est une des raisons qui a fait qu’ils ont pris leurs responsabilités », ajoute-t-il. La monnaie est prévue, poursuit l’expert ; il faut vite la créer et trouver un système de transition avec le franc CFA. « Nous allons sortir du FCFA, mais il y a une période de transition et c’est obligatoire » souligne-t-il.
Un autre argument de taille qui corrobore l’idée de création par l’AES de sa propre zone monétaire, c’est le comportement indélicat de l’UEMOA par rapport aux sanctions infligées par la CEDEAO à notre pays. Selon l’économiste, la CEDEAO s’est arrangée pour inviter l’UEMOA à ses réunions. « Dans les textes, la CEDEAO n’a pas le pouvoir de geler nos avoirs financiers, puisque nous ne partageons pas les législations monétaires avec certains pays membres de ladite organisation. Avec eux, c’est uniquement économique ; c’est une commission économique. Toutes les décisions ont été prises avec l’UEMOA et certainement cela va impacter nos relations avec cette organisation. Il est évident que nous allons nous retirer de l’UEMOA lorsque la monnaie de l’AES va sortir », affirme- t-il.
Il ajoute que dans l’article 14 qui crée cette organisation, il est interdit de geler les avoirs, les capitaux d’un particulier, à plus forte raison ceux d’un État. C’est un délit. Mais l’UEMOA l’a fait. Avec le retrait des États de l’AES de la CEDEAO, tous les experts en la matière affirment que les voyants sont au vert, et les perspectives sont bonnes. «L’avantage qu’on aura lorsqu’on aura notre monnaie, c’est que nous allons gérer notre économie. Nous pouvons la dévaluer ou la faire élever en fonction de l’importance des exportations ou des importations. Avec le système CFA, ce sont les français qui décident. L’intérêt qu’on a, c’est qu’on sera maître de notre souveraineté monétaire car, celui qui a sa souveraineté monétaire a sa souveraineté économique. Nous aurons une emprise sur nos recettes, sur nos matières premières. Ils seront obligés de coopérer avec nous de manière équitable. Avant, on nous imposait des conditions difficiles qui nous rendent toujours pauvres. Cela est inadmissible pour un pays comme le Niger qui est producteur de pétrole, de l’uranium bientôt de lithium » indique l’économiste Issoufou Boubacar Magagi Kado.
Pour l’économiste Malien et ancien conseiller du Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), Modibo Mao Makalou, il existe une clause qui fait que les États peuvent se retirer à tout moment de l’UEMOA. « Les trois États peuvent se retirer à tout moment. Jusque- là, ils n’ont pas décidé d’activer cette clause. Mais ils peuvent le faire. Ce que moi j’ai compris, c’est d’aller vers un regroupement d’intégration économique et monétaire parce que le stade ultime de l’intégration économique et monétaire, c’est avoir une monnaie commune », estime-t-il. Dans une interview récente accordée à la Télévision nationale, le Chef de l’État s’exprimant sur la marche vers la souveraineté économique et monétaire avait indiqué qu’il n’est plus question que nos États soient la vache à lait de la France.
« La France nous a spoliés pendant plus de 107 ans ; la France doit payer cash les dettes de 65 ans de pillage systématique de nos ressources. Et, pour les 42 ans, nous trouverons un échéancier pour qu’on soit quitte avec la France. La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation. Les États de l’AES ont des experts. Et au moment opportun, comme je l’ai dit, In Chaa Allah nous déciderons. Nous allons décider In Chaa Allah », ajoute le Président. Ces propos du Général de Brigade Abdourahamane Tiani sonnent véritablement comme un engagement de rompre de manière définitive avec tous les instruments de domination que la France a insidieusement mis en place pour étouffer nos pays.