Un recouvrement de plus de douze milliards trente-huit millions de Francs CFA (12.038. 839. 799 FCFA) annoncé en février 2023, quelques vingt-cinq milliards quatre-cent soixante-six millions Francs CFA (25 466 211 692 FCFA) en mars 2024, et plus de quarante-deux milliards neuf-cent trente millions de Francs CFA (42. 930. 622. 813 FCFA) au mois d’avril 2024, etc. Et, à la date du 1er décembre 2024, soit après près d’un an d’exercice, le bilan global des recouvrements se chiffre à cinquante-sept milliards cent cinquante millions neuf-cent quatre-vingt trois mille six-cent quatre-vingt-onze francs CFA (57.150.983.691 FCFA). Ce montant se compose comme suit : 35.895.425.525 FCFA pour les versements en cash et par virements bancaires, 4.065.270.397 FCFA pour les dations en paiement, et 17.190.287.769 FCFA pour les transactions par échéances de règlement.
Assurément, au fil du temps, la Commission de Lutte contre la Délinquance Financière et Fiscale (CoLDEFF) se conforte dans l’accomplissement de sa mission en allongeant les chiffres des fonds recouvrés. Autrement dit, en dépit du temps mort observé dans le processus de publication de ses résultats, la CoLDEFF ne dort pas. Loin s’en faut !
Il se trouve qu’à partir du mois juin 2023, la CoLDEFF a ouvert une nouvelle page portant sur le traitement de toute une pile de dossiers relatifs à l’exécution des marchés publics sur l’ensemble du pays, pour la période 2018-2022. Et, en toute évidence, pour ces épineux dossiers, la CoLDEFF se devait de s’engager un laborieux travail d’investigation, de confrontation et d’analyse des données avant d’arriver à la phase proprement dite du recouvrement des fonds indûment perçus, voire volés, au détriment de l’Etat et certains de ses démembrements.
Il va sans dire que dans l’accomplissement de sa mission, la CoLDEFF s’est heurtée à un certain nombre de difficultés dont les impacts ont pesé sur le bon déroulement du travail et sur le niveau des recouvrements réalisés. Au nombre de ces contraintes, on peut citer les difficultés rencontrées dans l’exploitation de certains rapports ; l’impossibilité pour la CoLDEFF de traiter certains dossiers portant sur d’importants cas avérés de délinquance économique et financière, les personnes mises en cause ayant fui le pays pour s’établir à l’extérieur ; les difficultés liées au fait que pour certains dossiers sensibles, les rapports ne sont pas directement exploitables, nécessitant ainsi de nouvelles investigations.
D’autre part, il y a cette réalité qui fait que, pour un grand nombre de rapports mis à la disposition de la CoLDEFF, les préjudices financiers sont très faibles, ce qui implique pour les Commissaires beaucoup d’efforts pour des recouvrements dérisoires.
Appel pour une collaboration citoyenne et active en matière de dénonciation
Cependant, le plus grand facteur limitant pour la CoLDEFF reste la timidité observée au niveau de la dénonciation, alors même que la CoLDEFF a mis en place une Sous-Commission à part entière pour recevoir et traiter les cas de dénonciation. Hélas, force est de constater que nos concitoyens trainent les pieds pour apporter à la Commission l’indispensable collaboration citoyenne dont elle a tant besoin pour un meilleur accomplissement de sa mission.
Pourtant, lors de l’interview qu’il a accordée à la RTN, en décembre 2023, le Président du CNSP avait, lui-même, lancé un appel solennel aux Nigériens, en invitant tout citoyen disposant des preuves sur des actes de malversations portant sur les biens publics de l’Etat à en dénoncer l’auteur.
« Il ne s’agira pas de chasse aux sorcières. Mais personne dont la responsabilité sera avérée n’échappera au traitement que la CoLDEFF réservera au dossier le concernant ! C’est pourquoi nous invitons tous les Nigériens qui ont des faits, et là je ne parle pas d’histoire de règlement de compte, qu’ils les soumettent à la CoLDEFF qui leur réservera un traitement approprié jusqu’à aboutissement », a assuré le Chef de l’Etat, Le Général Abdourahamane TIANI.
Il est curieux qu’aujourd’hui, malgré la forte adhésion de la population dont jouit la CoLDEFF, seuls quelques rares cas de dénonciations ont été enregistrés et traités.
Pourquoi donc, après que toutes ces voix se soient unanimement élevées pour décrier toutes les malversations sur les biens de l’Etat, puis réclamer la fin de l’impunité et la remise de l’Etat dans tous ses droits, les gens hésitent à s’honorer de leur devoir citoyen de dénoncer des cas de vol et de détournement pour lesquels ils disposent des preuves ?
On peut croire que pour certains esprits peu avertis, l’idée de la dénonciation renvoie à celle de la délation, ce qui est loin d’être le cas ! Pour beaucoup d’autres, cette frilosité ne saurait se justifier que par une certaine peur que leur inspirent les prédateurs des biens publics de l’Etat. Mais nous osons croire que, pour la plupart des cas, cette inaction serait liée à un certain déficit d’information sur la procédure de la dénonciation.
La dénonciation, un acte légitime recommandé par le droit islamique et le droit pénal
Dans un cas, comme dans l’autre, la question qui s’impose à tous est la suivante : devrons-nous avoir le moindre scrupule à dénoncer les prédateurs qui se sont accaparés, à leur seul profit et à celui de leurs familles, les biens publics de l’Etat, autrement dit, les biens de tous les enfants du Niger ?
La réponse à cette lancinante question nous renvoie inévitablement à notre devoir citoyen de défendre les intérêts du Niger et de son peuple. Mieux, elle nous interpelle par rapport aux prescriptions du Saint Coran, et de la morale tout court, qui recommandent de ne jamais rester impassible et indifférent devant la commission d’un acte repréhensible.
En effet, l’islam est très clair au sujet de la dénonciation. D’abord il nous invite à faire le distinguo entre la dénonciation, ‘’qui relève d’une volonté de participer à la manifestation de la vérité pour que justice soit faite’’, et la délation ‘’qui consiste à rapporter les propos de quelqu’un pour lui nuire’’. Ainsi compris, la dénonciation auprès de l’autorité compétente d’un crime commis ne saurait en aucun se confondre avec la délation.
Mieux, l’islam, par un Hadïth, incite vivement le bon croyant à tout faire pour combattre et changer les actes blâmables. Abou Sa‘id Al Khoudri -qu’Allâh l’agrée- rapporte qu’il a entendu le Messager d’Allâh -sallâ l-Lahû ‘aleyhi wa sallam- dire : « Que celui d’entre vous qui voit une chose répréhensible la corrige de sa main ! S’il ne le peut pas de sa main, qu’il la corrige avec sa langue ! S’il ne le peut avec sa langue que ce soit avec son cœur et c’est là le degré le plus faible de la foi. » [Rapporté par l’Imam Mouslim ; n°49].
Comme on le voit, du point de vue purement religieux, la dénonciation est non seulement encouragée, mais surtout vivement recommandée. Du reste, se référant aux vertus du bon sens et du libre arbitre, le droit religieux et le droit pénal s’accordent pour légitimer l’acte de la dénonciation. En effet, tandis que le droit religieux autorise et encourage la dénonciation, le droit pénal va plus loin en punissant les faits de non dénonciation de malfaiteur d’une peine d’emprisonnement.
Toujours est-il que, pour les cas précis de la corruption, du vol et du détournement des deniers publics, des maux qui tendent à devenir un fléau endémique dans notre pays, le silence prend la forme d’une complicité rampante préjudiciable au bon fonctionnement de l’appareil de l’État. Autrement, quel mal y-at-il à dénoncer ceux-là mêmes qui n’ont eu aucun scrupule pour s’accaparer, pour eux seuls et leurs enfants, les ressources publiques de leur pays, par le vol, la corruption ou autres magouilles.
Des conditions et modalités de dénonciation souples et rassurantes
Pour ce qui est des conditions et modalités de dénonciation des faits de corruption, de détournement et des infractions assimilées, il est important de préciser que la personne qui dénonce bénéficie des mesures de protection prévues par la loi. En effet, l’Ordonnance N° 2023-09 du 13 septembre 2023 portant création, et modalités missions, de composition fonctionnement de la CoLDEFF souligne en son article 26 que : “l’Etat assure la protection des témoins, des experts et des dénonciateurs dans les affaires de délinquance économique, financière et fiscale”. Toutefois, prévient le même article en son alinéa 2, “les fausses dénonciations sont punies conformément au code pénal.”
Pour ce qui est des modalités, il est important de noter que les dénonciations peuvent s’opérer auprès du cabinet du président de la CoLDEFF ou niveau de la Sous-Commission “Dénonciations et Relations Publiques’’. L’auteur d’une action de dénonciation doit décliner son identité ou requérir l’anonymat, selon son choix.
La dénonciation doit se faire par écrit ou par appel téléphonique en indiquant les faits, des témoins éventuels, les dates et lieux ainsi que tout autre élément pertinent. Le dénonciateur pourrait bénéficier d’une récompense si les faits sont avérés, après traitement du dossier par la CoLDEFF.
Par Cellule Communication/CoLDEFF