Contexte et Organisation
Les examens du Baccalauréat session 2024 au Niger se sont déroulés du 25 juin au 10 juillet. Sur un total de 87 883 candidats inscrits, 84 228 se sont présentés aux examens, répartis dans 216 centres d’examen à travers le pays.Voici en résumé la présentaion du résultat d’après le communiqué de presse datant du 24 juillet dernier du Ministre de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation Technologique, Pr Saidou MAMADOU.
Taux de Réussite Global
Le taux de réussite global pour cette session est de 32,9 %, réparti comme suit :
Établissements publics : 31,4 %
Établissements privés : 39,8 %
Candidats libres : 21,2 %
Répartition Régionale
Les résultats varient significativement d’une région à l’autre :
Niamey : 40,2 % (la région avec le meilleur taux de réussite)
Diffa : 37,6 %
Agadez : 33,4 %
Tahoua : 29,9 %
Tillabéri : 29,1 %
Zinder : 32,2 %
Maradi : 26,8 %
Dosso : 26,8 %
Type de Baccalauréat
Les résultats par type de baccalauréat montrent des variations importantes :
Baccalauréat de l’enseignement professionnel : 67,4 % (le taux de réussite le plus élevé)
Baccalauréat de l’enseignement technique : 32,2 %
Baccalauréat de l’enseignement général : 29,4 %
Mentions
Les mentions obtenues sont :
Très bien : 8
Bien : 236
Assez bien : 1981
Évolution Historique
Voici un aperçu de l’évolution du taux de réussite aux examens du baccalauréat de 2015 à 2024 :
2015 : 38,53 %
2016 : 28,14 %
2017 : 26,73 %
2018 : 28,73 %
2019 : 26,56 %
2020 : 33,76 %
2021 : 22,82 %
2022 : 28,99 %
2023 : 25,63 %
2024 : 32,9 %
Analyse du Taux Global de Réussite
Le taux de réussite global de cette année est l’un des meilleurs enregistrés ces dix dernières années, représentant une amélioration notable de 7,3 % par rapport à l’année précédente (25,63 % en 2023). Cependant, lorsqu’on compare avec d’autres pays, il apparaît évident qu’il y a une nécessité de redoubler d’efforts pour améliorer ces résultats :
France : 85.5%
Maroc : 78%
Tunisie : 65%
Algérie : 58,28%
Bénin : 56,93%
Mali : 55%
Sénégal : 48,71%
Burkina Faso : 50%
Togo : 41,95%
Tchad : 41,83%
Côte d’Ivoire : 34,17%
Les pays membres du West African Senior School Certificate Examination (WASSCE) montrent également des résultats remarquables :
Nigeria, Ghana, Sierra Leone, Liberia, Gambie :
o2024 : 80%
o2023 : 79.8%
o2022 : 76.36%
o2021 : 81.7 %
On constate qu’il y’a une extrême urgence au Niger pour identifier les causses principales liées à ce retard criant dans l’éducation et rendre le système plus performant garantissant des meilleurs résultats en quantité et en qualité.
Organisation du Baccalauréat 2024 : Points Forts et Points Faibles
Basé sur le Bilan Critique des Examens du Groupe Facebook « L’école Nigérienne » et Autres Sources.
Points Forts
1.Absence de Critiques des Présidents de Jury : Aucun président de jury n’a dénoncé l’organisation matérielle et technique du bac.
2.Respect du Calendrier : Les dates des examens ont été respectées.
3.Absence de Fuites de Sujets : Il n’y a pas eu de fuites des sujets.
4.Transparence des Correcteurs : La publication de la liste des correcteurs a permis la dénonciation de certains correcteurs inadéquats.
5.Conformité des Sujets au Programme : Les sujets étaient conformes au programme, à l’exception de quelques exceptions.
6.Absence de Fraude : Aucun cas de fraude majeur signalé.
Points Faibles
1.Non-maîtrise des Disciplines : Certains correcteurs ne maîtrisaient pas bien les disciplines à corriger.
2.Manque de Corrigés : Absence de corrigés ou de propositions de correction bien réparties.
3.Chevauchement des Examens : La proximité des dates des examens BEPC et BAC a causé des problèmes.
4.Refus de Réclamations : Dans certains centres, les réclamations étaient refusées.
5.Refus de Donner les Relevés de Notes : Certains jurys refusaient de donner les relevés de notes.
6.Défaillances dans la Correction : Des manquements relevés dans la correction de certaines copies.
Problèmes Spécifiques aux Épreuves
Premier Groupe : Sciences Physiques Série D
Formulation des Questions : Les questions étant liées, les candidats mériteraient d’être guidés. Certaines questions étaient mal formulées.
Chimie Exercice n°1 : La formulation était ambiguë.
Chimie Exercice n°2 : Le tableau devait contenir des valeurs manquantes.
Physique Exercice : La question sur la vitesse de retour devait spécifier la force de frottement.
Second Groupe : Sciences Physiques Série D
Chimie Exercice n°1 : Question hors programme.
Intervention du Ministère de l’Enseignement Supérieur et Collaboration avec l’OBEECS
Le directeur général de l’OBEECS, à la demande du ministère de l’Enseignement supérieur, a demandé aux jurys d’utiliser le nouveau tableau de repêchage des candidats à la délibération du second groupe. Cette intervention révèle plusieurs aspects importants :
Autonomie Relative de l’OBEECS : Bien que l’Office du Baccalauréat et des Examens et Concours du Secondaire (OBEECS) soit censé être autonome, cette intervention montre que le ministère conserve une influence significative sur ses décisions.
Correction des Insuffisances : Le ministère voulait corriger les insuffisances des erreurs de sujet de mathématiques, comme l’année passée, mais cette fois-ci sans demander la reprise partielle des examens. Cette démarche montre une volonté de réagir rapidement aux problèmes identifiés pour éviter des perturbations majeures dans le déroulement des examens.
Volonté de Rehausser le Taux de Réussite : Il y avait une volonté claire de rehausser le taux de réussite, particulièrement faible au premier groupe, notamment en série D. Cette décision a conduit certains jurys à délibérer avec des admissions au second groupe à 100 %.
Coopération Entre Acteurs des Examens
Pour éviter à l’avenir de telles interventions de dernière minute et améliorer la qualité et l’équité des examens, une coopération renforcée entre les différents acteurs est cruciale :
Coordination Préalable : Même si l’OBEECS est autonome, le ministère peut et doit faire des suggestions et offrir un soutien avant le début des examens. Cette coordination préalable permettrait de s’assurer que toutes les mesures nécessaires sont prises pour éviter les erreurs et les imprévus.
Implication des Experts en Éducation : Il est essentiel d’inclure des experts en docimologie et en sciences de l’éducation, ainsi que des professionnels expérimentés du programme éducatif national niveau terminale, dans le processus de préparation des examens. Leur expertise permettrait de prévenir les déphasages et d’assurer que les sujets sont bien calibrés et conformes aux attentes pédagogiques.
Évaluation et Ajustements Continus : La mise en place d’un mécanisme d’évaluation continue des examens par un comité mixte composé de représentants de l’OBEECS, du ministère et des experts en éducation pourrait aider à identifier et corriger rapidement les insuffisances. Cela inclut l’analyse des résultats et des retours des enseignants et des élèves après chaque session d’examen.
Formation et Information : Organiser des formations régulières pour les enseignants et les correcteurs sur les attentes des examens et les critères de correction. De plus, il est important de bien informer tous les acteurs sur les modifications éventuelles des programmes et des barèmes avant le début des examens.
Renforcement de la Transparence : La transparence dans la publication des listes de correcteurs et des critères de notation doit être maintenue et renforcée. Cela permet de garantir l’équité et de maintenir la confiance des candidats et des parents dans le système d’examen.
En somme, la coopération entre l’OBEECS, le ministère de l’Enseignement supérieur, et les experts en éducation est indispensable pour assurer le bon déroulement des examens du baccalauréat et améliorer les résultats des élèves. En travaillant ensemble, ces acteurs peuvent prévenir les erreurs, réagir rapidement aux problèmes, et garantir que les examens sont équitables et conformes aux standards éducatifs. Cette collaboration renforcée est essentielle pour offrir à tous les élèves une éducation de qualité et des opportunités égales de réussir.
Paradoxes et Réflexions
Il est crucial de s’interroger sur les raisons derrière ces résultats relativement bas comparés aux différents pays ci-dessus cités. Plusieurs points doivent être pris en considération :
Accès à l’Éducation : Depuis la petite enfance jusqu’au baccalauréat, le taux d’abandon scolaire est élevé. Combien d’élèves de la cohorte de CI (2011) ont réussi à atteindre la terminale et à passer le bac ?
Comparant le nombre d’élèves inscrits en CI en 2011 (475 166) et le nombre de candidats au bac en 2024 (87 883), cela signifie qu’environ 18,49% des élèves ont atteint le bac. Le taux de déperdition scolaire est donc élevé, environ 82%.
Ce qui montre des lacunes dans le système éducatif en termes de rétention et de continuité.
Politique Éducative : Les politiques éducatives actuelles semblent élitistes, favorisant une minorité et laissant de côté une grande partie de la population. Cela entraîne une inégalité d’accès à une éducation de qualité.
Responsabilité du Système : Le manque de niveau est souvent cité comme la cause principale des faibles performances, mais le système éducatif lui-même a une part de responsabilité. Les méthodes pédagogiques, les programmes et les conditions d’enseignement doivent être repensés.
Influence des Élite : Il existe une perception que les élites maintiennent un système qui ne profite pas aux masses populaires, contribuant à la stagnation du développement éducatif.
Importance du Baccalauréat de l’Enseignement Professionnel
Le taux de réussite au Baccalauréat de l’enseignement professionnel est de 67,4 %, le plus élevé parmi toutes les séries. Cependant, malgré ses résultats significativement meilleurs, ce type de baccalauréat est négligé. En effet, seulement 8 175 candidats étaient inscrits dans cette filière sur un total de 87 883 inscrits au BAC 2024.
Points de Réflexion :
1.Faible Effectif : Le faible nombre d’inscrits dans le baccalauréat professionnel indique une sous-représentation, malgré son potentiel évident pour l’insertion professionnelle des jeunes.
2.Potentiel de Solution : Le baccalauréat professionnel peut être une grande solution aux problèmes de formation et d’insertion des jeunes. Il offre des compétences pratiques et directement applicables dans le monde du travail, augmentant ainsi les chances d’employabilité des diplômés.
3.Revalorisation Nécessaire : Il est impératif de revaloriser cette filière par des campagnes de sensibilisation, des bourses d’études et une meilleure reconnaissance des diplômes professionnels. Cela pourrait encourager plus de jeunes à choisir cette voie et répondre aux besoins du marché du travail.
4.Coopération avec les Établissements Privés : Orienter plus de candidats vers les écoles privées et réintroduire les systèmes de dotation et subventions pour le privé, tout en évitant les arriérés de paiements des frais de scolarité des élèves orientés par l’État, qui peuvent dépasser un an ou plus. Les agents de l’État doivent cesser de considérer le privé comme un rival, mais plutôt comme un partenaire œuvrant pour des objectifs communs. Cela stabilisera le secteur privé et résoudra des préoccupations telles que la hausse des prix.
Recommandations
Pour améliorer les résultats du baccalauréat et, par extension, l’ensemble du système éducatif nigérien, plusieurs actions peuvent être envisagées :
Renforcer les Infrastructures et Conditions d’Examen : Assurer des conditions matérielles et sécuritaires optimales pour tous les candidats, notamment en augmentant le nombre et la qualité des centres d’examen.
Améliorer la Formation des Enseignants : Offrir des formations continues aux enseignants et leur fournir des ressources pédagogiques adéquates pour qu’ils puissent mieux accompagner les élèves.
Encourager l’Implication Communautaire : Impliquer davantage les parents et la communauté dans le suivi et le soutien des élèves, créant ainsi un environnement propice à l’apprentissage.
Mettre en Place des Programmes de Soutien et de Rattrapage : Identifier et soutenir les élèves en difficulté avec des programmes de rattrapage et de tutorat pour éviter les abandons scolaires.
Réformer les Politiques Éducatives : Adopter des politiques inclusives et équitables qui offrent à chaque enfant la possibilité de réussir, indépendamment de son origine socio-économique.
Suivre les Recommandations de Professeurs Visionnaires : Comme le Professeur Abdou Moumouni l’a souligné dans son ouvrage « L’éducation en Afrique », il est crucial d’adopter une approche holistique et contextuellement adaptée pour résoudre les problèmes éducatifs du Niger.
Conclusion
L’amélioration du taux de réussite au baccalauréat au Niger nécessite des efforts concertés de tous les acteurs impliqués : le gouvernement, les enseignants, les parents et les élèves eux-mêmes. En mettant en place des stratégies efficaces et en abordant les problèmes systémiques, il est possible de créer un environnement éducatif plus juste et performant pour tous les jeunes Nigériens.
Loin d’être satisfait, cette situation nous interpelle tous à plus d’effort, de stabilité, de discipline, de respect de l’éthique et de la déontologie dans nos établissements
scolaires.’
Par Mamane Boubakar, Master (MA) en Éducation, Philosophie de l’Éducation, Ancien Proviseur de CSP, Ancien Directeur des Études dans trois Instituts Supérieurs d’Enseignement Professionnel, Directeur Général et Promoteur de l’Institut IMMT-Tahoua