Tamtaminfo

Niger : Le crime parfait des hommes politiques

Niger : Le crime parfait des hommes politiques

Chaque année, le Niger est frappé par des inondations dévastatrices qui endeuillent nos populations et entraînent des pertes matérielles et agricoles considérables. L’heure n’est certes pas à l’inquisition, pour savoir qui est coupable de quoi. Il est impératif de répondre immédiatement à l’urgence humanitaire qui s’abat une fois de plus sur nos parents, frères et sœurs, victimes innocentes d’un destin implacable.

Cependant, il serait irresponsable de ne pas s’interroger sur les causes profondes de ces drames. Pour cela, il est nécessaire de poser un regard lucide sur la gestion de notre pays au cours des trois dernières décennies. On remarquera alors que les inondations qui ravagent le Niger ne sont pas seulement le fruit du hasard ou des caprices de la nature. Elles sont aussi la conséquence directe de décennies de mauvaise gouvernance et de négligence criminelle.

En effet, beaucoup d’hommes et de femmes politique qui avaient accédé aux plus hautes fonctions de l’État, uniquement grâce à leur capacité à haranguer les foules et à remplir les urnes, ont transformé la politique en un instrument de corruption, de népotisme, et de clanisme. Ils ont souillé la République en se préoccupant davantage de leurs privilèges que du bien-être des citoyens qu’ils étaient censés protéger. Leur avidité à prendre leurs pourcentages dans les marchés publics (au détriment de la qualité des infrastructures), et leur manque de vision ont directement contribué à l’aggravation des désastres naturels que nous subissons aujourd’hui.

Les seules missions dont ils se sentaient investis était de se consacrer à leur propre enrichissement, laissant en friche les besoins essentiels du Niger. Et d’ailleurs, même les jeunes qui faisaient leur entrée en politique leur emboitaient le pas dans ce projet égoïste aux relents funestes.

La politique s’était tellement détournée de ses objectifs premiers que tout le monde aspirait devenir ministre ou directeur général, car il n’y avait pas une attente particulière en termes de résultat (à quelques exceptions près). Dans d’autres pays, certains refuseraient d’eux-mêmes ces postes, car ils se savent incapables.

En détournant les ressources de l’État pour construire leurs palais, s’offrir des voitures de luxe, et financer leurs voyages fastueux, ils ont laissé le Niger à la merci du moindre coup de vent. Au lieu de bâtir des digues solides, d’entretenir les bassins versants ou de développer des infrastructures résilientes, ils avaient consacré leur énergie à développer leur influence et leur emprise sur le pouvoir.

Pendant trois décennies, ces politiciens, épaulés par des techniciens qui ont troqué leur intégrité contre quelques avantages matériels, ont dévoyé les institutions de l’État. Ils ont instauré une culture où l’impunité est devenue la norme, où le clanisme remplace le mérite, et où la corruption est le ciment des alliances. Ils ont fait taire ceux qui osaient penser différemment, neutralisant toute opposition pour préserver leur emprise sur le pouvoir. Et aujourd’hui, ils sont tranquilles dans leurs palais, au moment où nous pleurons des morts et des dégâts considérables. Ils sont alors en passe de commettre le crime parfait !

Le « crime parfait » est un concept qui décrit un acte criminel tellement bien exécuté qu’il semble impossible de remonter jusqu’à ses auteurs, ou du moins de les punir. Il s’agit d’une transgression planifiée et réalisée avec une telle précision qu’elle échappe à la justice, laissant les victimes sans recours et les coupables libres de jouir de leurs méfaits.

Chers hommes politiques (je ne parle pas de ceux qui sont intègres), vous allez peut-être réussir le crime parfait, devant la justice de l’homme. Mais vous répondrez devant Allah de chaque centime, qui aurait pu servir à éviter ces dégâts et ces pertes en vies humaines. Allah est Patient.

Dr Mamane Oumarou