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Issa Tchiroma Bakary va être jugé, selon les autorités camerounaises, alors que les violences postélectorales continuent

Issa Tchiroma Bakary va être jugé, selon les autorités camerounaises, alors que les violences postélectorales continuent

Le ministre de l’Intérieur du Cameroun, Paul Atanga Nji, a déclaré que le leader de l’opposition Issa Tchiroma Bakary sera traduit en justice pour avoir déclaré unilatéralement sa victoire aux élections et organisé des manifestations « illégales » qui ont entraîné des pertes en vies humaines.

Il s’est exprimé hier lors d’une conférence de presse dans la capitale Yaoundé, où il a également évoqué l’ampleur et l’impact des récentes manifestations de rue.

Il a déclaré que des manifestants sous l’emprise de drogues avaient répondu aux « appels à la rébellion » de Tchiroma Bakary et semé le chaos dans plusieurs villes du pays.

Il a ensuite cité certains sites touchés par les troubles, notamment des bâtiments publics, des stations-service et des magasins.

« Issa Tchiroma devra répondre de ses actes devant le tribunal compétent », a déclaré M. Nji.
M. Bakary n’a pas encore réagi à la décision du gouvernement de le traduire en justice.

Mais dans une déclaration sur sa page Facebook consultée par la BBC, il continue de revendiquer sa victoire et appelle la “communauté internationale à assumer ses responsabilités”.

Dans une interview accordée à la BBC quelques jours avant l’annonce des résultats des élections, il a déclaré ne pas craindre d’être arrêté.

Le ministre de l’Intérieur a révélé qu’une enquête avait été ouverte pour faire la lumière sur les incidents qui se sont produits avant et après la proclamation de la victoire du président sortant Paul Biya, avec 53,7 % des voix.

« Au cours de ces attaques, certains criminels ont perdu la vie », a-t-il déclaré, sans préciser le nombre exact de manifestants tués lors des affrontements.

M. Nji a ajouté que plusieurs membres des forces de sécurité avaient également été gravement blessés.

Selon un gouverneur régional, au moins quatre manifestants ont été tués dimanche dans la capitale économique Douala, tandis que M. Bakary a révélé que des tireurs embusqués avaient abattu deux personnes devant son domicile lundi.

Bien que M. Nji ait insisté sur le fait que la situation était désormais sous contrôle dans tout le pays, les manifestants restent actifs dans certaines régions, notamment à Douala et à Garoua, où ils ont érigé des barrages routiers mardi et brûlé des pneus dans les rues.

Plusieurs personnes ont trouvé la mort au Cameroun et des dizaines d’autres arrêtées dans les affrontements entre manifestants qui contestent la victoire de Paul Biya et les forces de sécurité.

Des organisations internationales parmi lesquelles, Human Rights Watch, Amnesty International et l’Union européenne, appellent le gouvernement camerounais à ”mettre fin à l’usage excessif de la violence contre les manifestants”.

Ces manifestations sévèrement réprimées par les forces de sécurité ont éclaté dans plusieurs localités du pays à la suite de la proclamation des résultats de la présidentielle qui a vu la victoire du président sortant Paul Biya, 92 ans, 43 ans au pouvoir.

”L’Union européenne est profondément préoccupée par la violente répression des manifestations des 26 et 27 octobre 2025 et déplore la mort par arme à feu de plusieurs civils” écrit l’organisation sur son site internet.

L’Union européenne appelle les autorités camerounaises ”à rendre des comptes, à faire preuve de transparence et à faire preuve de justice afin de lutter contre les cas de recours excessif à la violence et de violations des droits humains” et appelle à ”la libération de toutes les personnes détenues arbitrairement depuis l’élection présidentielle”.

Exhortant toutes les parties à faire preuve de retenue et à s’abstenir de toute action susceptible d’exacerber les tensions, l’UE ”encourage tous les acteurs politiques et sociaux à engager rapidement un dialogue constructif afin de préserver la stabilité et la cohésion nationale et de défendre les valeurs démocratiques et les droits de l’homme”.

De son côté, Human Rights Watch appelle le gouvernement camerounais à mettre fin à ”l’usage excessif de la force”.

« Les autorités camerounaises devraient immédiatement donner instruction à leurs forces de sécurité de ne pas recourir à la violence contre les manifestants », a déclaré Ilaria Allegrozzi, chercheuse senior sur l’Afrique à Human Rights Watch.

HRW demande aux autorités camerounaises d’enquêter sur les allégations de recours excessif à la force et à l’usage létal de la force.

« Elles devraient enquêter rapidement et impartialement sur les allégations de recours excessif à la force et à l’usage létal de la force et traduire les responsables en justice pour tout meurtre commis en cette période sensible » a déclaré Mme Allegrozzi.

”Les Principes de base des Nations Unies sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois prévoient que la police doit recourir en permanence au minimum de force nécessaire” écrit HRW.

”Les armes à feu ne peuvent être utilisées pour disperser des rassemblements violents que lorsque d’autres moyens moins dangereux ne sont pas possibles. Les forces de l’ordre ne peuvent recourir intentionnellement à l’usage létal d’armes à feu que lorsque cela est absolument indispensable pour protéger des vies” souligne l’organisation de droits de l’homme.

Pour sa part, Amnesty International a demandé aux ”autorités de respecter, protéger et faciliter le droit de réunion pacifique”.

L’organisation demande également l’ouverture d’une ”enquête rapide, indépendante et impartiale” pour faire la lumière sur les violences qui ont déjà occasionné plusieurs morts et des dizaines d’arrestations.

Des morts et des centaines d’arrestations à Yaoundé, Douala, Garoua, Maroua dont des proches de Tchiroma.

Des dizaines de manifestants et des personnalités proches de l’opposant Issa Tchiroma qui revendique la victoire ont été arrêtés ces derniers jours.

Parmi les personnes arrêtées à Douala figurent Anicet Ekane, Florence Titcho et Djeukam Tchameni, trois dirigeants du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (MANIDEM), parti politique qui soutenait Tchiroma.

Le 25 octobre, des gendarmes ont arrêté Aba’a Oyono, spécialiste du droit public et conseiller de Tchiroma, à son domicile à Yaoundé. Son lieu de détention n’a toutefois pas encore été révélé.

”Le refus de reconnaître la détention ou de fournir des informations sur le lieu où se trouve un détenu peut constituer une disparition forcée, un crime au regard du droit international” avertit Human Rights Watch.

Selon les médias locaux et internationaux et des sources locales consultées par Human Rights Watch, au moins quatre personnes ont été tuées lors de manifestations dans le quartier de New Bell à Douala le 26 octobre.

Le président gabonais félicite Paul Biya et lance un appel à la paix
”Au nom du peuple gabonais et en mon nom propre, mes félicitations à Son Excellence Paul Biya pour sa réélection à la magistrature suprême du Cameroun” a écrit Brice Clotaire Oligui Nguema sur X.

Ce résultat, proclamé par le Conseil constitutionnel, ”traduit lui l’expression souveraine du peuple camerounais et marque une nouvelle étape dans la continuité institutionnelle de ce pays frère” a écrit le président gabonais qui lance toutefois un appel au calme.

”En ces moments décisifs, j’en appelle à la sérénité et à la préservation de la paix” écrit-il.

Le Conseil constitutionnel a annoncé le 27 octobre la victoire du président sortant Paul Biya avec 53,66 % des voix. Son principal adversaire, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre des Transports et des Communications, s’était autoproclamé vainqueur le 12 octobre.

Réélu pour sept ans, Paul Biya, le vieux chef d’Etat au monde pourrait à la fin de ce mandat approcher l’âge de 100 ans. Il dirige le Cameroun depuis 1982, soit 43 ans de règne sans interruption.

Jeune Afrique révèle que l’armée camerounaise a été contrainte de déployer des blindés dans la capitale économique pour tenter de reprendre le contrôle, tandis que des vidéos montrent des policiers reculant face aux manifestants.
La situation sécuritaire s’est considérablement détériorée à Douala au lendemain de la proclamation des résultats de la présidentielle par le Conseil constitutionnel. Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, des chars de combat ont été positionnés dans quatre quartiers stratégiques : Akwa, Bonanjo, Bépanda et Deïdo.
Ce déploiement d’armement lourd intervient après que les forces de police régulières se sont révélées incapables de contenir la vague de contestation. Jeune Afrique a pu visionner plusieurs vidéos circulant sur les réseaux sociaux qui témoignent des difficultés des forces de l’ordre : on y voit des hommes en uniforme effectuer des tirs de sommation avant d’être contraints de battre en retraite face à la pression de la foule.
Le poste de police du carrefour Ari illustre parfaitement cette débâcle sécuritaire. D’après les sources de Jeune Afrique, les agents ont dû abandonner leurs positions avant que le bâtiment ne soit pris d’assaut et incendié par les manifestants.
Au-delà de l’aspect sécuritaire, c’est toute l’économie de la capitale économique qui se trouve paralysée. Jeune Afrique a constaté que Douala était lundi quasiment à l’arrêt : commerces fermés, disparition des taxis-brousse, et même les grandes enseignes bancaires ont demandé à leur personnel de rester confiné à domicile.
Les infrastructures économiques n’ont pas été épargnées. La station Tradex de la borne 10 et le dépôt pétrolier Bocom Cogefar ont été saccagés, faisant craindre une pénurie de carburant dans les jours à venir.
Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique, près d’une centaine de personnes ont été arrêtées à travers le pays, dont 60 rien qu’à Douala. Quatre personnes ont déjà perdu la vie dimanche dans la capitale économique, et le bilan pourrait s’alourdir alors que les manifestations se poursuivaient lundi soir dans plusieurs localités.
La question qui se pose désormais : combien de temps l’armée pourra-t-elle maintenir ce dispositif sans que la situation ne dégénère davantage ?

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